XXIV - Les blessures (10 novembre 1848)

 

 

Dans les semaines qui suivirent, tout à fait hors saison, Augustin avait senti monter en lui une forte envie de retourner au travail de la terre, et il en était venu à envisager qu'à l'issue de ses sept ans de service passés, s'il ne signait pas un nouvel engagement pour continuer dans la carrière militaire, il pourrait tenter sa chance comme colon en Algérie.

 

Cette idée lui était venue sur la grève, alors qu'il regardait partir le bateau emmenant Abd el-Kader. Là, il avait entendu le capitaine Coffyn – toujours aussi convaincu de la nécessité d'imiter les anciens Romains – commenter pour d'autres officiers le départ de l'émir.

 

– Enfin, disait-il, nous allons être tranquilles ! Mais si nous ne voulons pas que ce ne soit qu'une trêve, si nous voulons nous prémunir contre la reprise de la guerre, il va falloir se hâter de mettre en culture les friches de l'Algérie afin de les faire fructifier. Au ministère, on devrait finir par admettre que le meilleur moyen d'assurer la quiétude et la prospérité dans la colonie consiste à offrir aux soldats dégagés de leurs obligations militaires des facilités pour s'y bâtir un avenir, des terres comme récompense méritée pour les services rendus.

 

Augustin connaissait les théories du capitaine sur les avantages d'une colonisation par des vétérans de l'armée, toutefois il n'avait jamais pensé qu'elles pourraient le concerner directement. Et voilà que tout à coup il se disait qu'on allait dorénavant pouvoir travailler en paix dans ce pays... Alors, pourquoi n'en profiterait-il pas ? Au lieu de retomber dans sa condition de paysan à Rémilly – où il n'avait plus que des affections par devoir, où il ne retrouverait que labeur ingrat, crève-cœur permanent et regrets –, pourquoi ne demanderait-il pas une concession en Algérie ? Un peu surpris par ses propres pensées, il prenait soudain conscience qu'il ressentait un attachement insoupçonné pour l'Afrique, germé en tapinois sur l'humus des épreuves, des joies et des peines qui avaient jalonné sa vie depuis trois ans. Progressivement, il en était arrivé à concevoir de l'attrait pour ce pays rude, où la bonne terre semblait rare, mais dont le climat, beaucoup plus clément que celui de sa Lorraine natale, permettait de belles espérances à qui ne craignait pas de se faire du cal aux mains. Les lettres espacées d'Albert ne manquaient jamais d'insister sur toutes les difficultés qu'il fallait surmonter pour faire produire à suffisance une petite ferme dans l'est de la France. Début février, son frère évoquait un hiver précoce et rigoureux ; qu'un printemps pluvieux vienne par là-dessus, où quelque gelée tardive et les récoltes seraient encore pires que les dernières qu'il avait faites.

 

Augustin songeait de plus en plus souvent, que la fin de son temps de service approchait, il ne lui restait plus que deux ans à tirer. Pour sa libération il aurait tout juste vingt-neuf ans, largement l'âge de fonder un foyer ! D'ici là il devrait se décider : s'il voulait une vie de famille, l'état militaire ne lui vaudrait rien ; il n'y avait pas mieux qu'une ferme prospère pour bien éduquer des enfants et rendre une femme heureuse.

 

De semblables pensées, qui ne l'avaient plus effleuré depuis ce jour de malheur où il avait perdu Adeline, une pucelle en était la cause insidieuse.

 

Durant sa convalescence, peu après son retour à Nemours, en visitant des colons auxquels il avait naguère apporté de grand cœur l'aide précieuse de ses bras à maintes reprises, il s'était lié d'amitié avec les Lorentz.

 

Ceux-ci étaient arrivés de Châtel Saint-Germain, près de Metz, dans l'intervalle de son détachement au 41e de ligne. Le chef de famille, Nicolas Lorentz, n'avait que de peu passé quarante ans, mais un collier de barbe grise taillé court vieillissait sa figure aux traits burinés, lui donnant un air de pasteur anglican ou de patriarche qui lui avait valu d'être appelé par ses voisins « père Lorentz » plutôt que par son prénom ou « Monsieur ». Chose rare pour un Lorrain, il avait bourlingué pendant vingt ans sur les mers pour le compte de la marine marchande. Au hasard des escales en France, il rejoignait Marthe, la femme qu'il logeait et entretenait, dans la maison héritée de ses parents, au même titre qu'une épouse parce que, toute jeune, elle l'avait rendu père d'une fille, Marie. Il avait reconnu l'enfant, mais accompli tout son devoir, en donnant son nom à Marthe devant le maire et le curé, seulement neuf ans plus tard, quand elle avait mis au monde un garçon. Pour élever son fils, il avait cessé de naviguer et ouvert un commerce au pays. Il s'y était ennuyé, s'était révélé malavisé en affaires, ou malchanceux. Alors, sur l'information qu'une société s'était constituée à Metz en vue de fonder en Algérie un village peuplé uniquement de Mosellans, il avait pris des contacts et, le projet qu'on lui avait exposé l'ayant séduit, il s'était porté candidat. Du temps était passé, trop de temps selon lui, rien ne paraissait avancer dans ce fameux projet. Gagné par l'impatience, il avait profité d'une opportunité pour liquider son affaire et son patrimoine afin de s'en aller, de son propre chef, risquer l'aventure dans cette Afrique du Nord, qu'il connaissait un peu pour y avoir, de par son métier, relâché plusieurs fois.

 

Les Lorentz avaient pris le bateau à Port-Vendres. Débarqués à Oran, le hasard de la disponibilité des concessions agricoles les avait orientés vers Nemours.

 

– Nous n'y resterons peut-être pas, avait confié le père Lorentz à Augustin. Si des gens de chez nous finissent par construire un village en Algérie, peut-être bien que nous les rejoindrons. En attendant, tu peux venir chez moi quand tu veux pour dailler du pays et galafrer à creupson des brateleijes devant la calende1.

 

En riant de l'entendre employer des mots de patois avec un accent du terroir messin un peu forcé, Augustin avait accepté, promettant de revenir dès qu'il serait assez fort pour donner un coup de main conséquent.

 

La tâche n'était pas facile pour les nouveaux colons. Les Lorentz avaient obtenu, « à titre provisoire », une concession située sur la rive droite de la Mersa. Ils s'y étaient installés, mais se trouvaient bien en peine pour défricher et mettre en valeur des terres en pente, à l'abandon depuis des siècles, saturées de rocailles, envahies de broussailles et de palmiers nains, auxquelles il faudrait consacrer une quantité d'efforts infinie pour les rendre labourables et fertiles. Leur établissement demeurait encore précaire, car l'assistance promise par l'administration était loin d'avoir été assumée en totalité. Le génie avait réalisé le gros œuvre d'une petite maison d'habitation, rien de plus. Si les Lorentz avaient pu passer l'hiver à Nemours dans des conditions à peu près convenables, c'est surtout au concours des autres colons et de quelques soldats de la garnison qu'ils le devaient. Une assistance bénévole des plus précieuses, non dépourvue, chez certains, d'arrière-pensées galantes, point forcément honnêtes : les femmes étaient rares à Nemours et, sans être très jolie, jeune encore, Marthe Lorentz, ne manquait pas d’appâts ; quant à Marie, elle possédait pour sa part bien plus que la simple beauté du diable.

 

Augustin avait reçu un choc la première fois qu'il l'avait vue. Avec ses nattes blondes et sa taille fine, bien prise dans une robe du pays mosellan, elle lui avait fait l'effet de reproduire une vivante image d'Adeline à la belle époque du grand amour qu'il avait d'elle. Cette émotion n'avait pas duré. La ressemblance s'arrêtait à l'allure générale et, en dépit de grands yeux bleus, le visage de la demoiselle ne lui rappelait pas vraiment celle qu'il avait aimée : ses traits n'avaient pas autant de grâce et le charme certain qui en émanait provenait d'on ne sait quoi d'un peu vulgaire qui reflétait les prémisses d'une profonde sensualité.

 

Au moins dans les premiers temps, ce n'était pas pour elle qu'Augustin rendait visite aux nouveaux colons, ses pays, mais pour leur apporter son aide en toute simplicité. Puis l'indéniable séduction de Marie avait agi sur lui, comme sur beaucoup d'autres, et il s'était aperçu un jour que c'est à elle qu'il pensait lorsqu'il s'imaginait en train de se mettre en ménage.

 

L'attrait que sa fille exerçait sur les hommes du voisinage amusait le père Lorentz qui trouvait avantage à la chose, puisque, pour faire leur cour, les galants en puissance venaient chez lui et retroussaient leurs manches, aussi bien pour maçonner que pour clôturer ou débroussailler. Avec une rouerie de coquette accomplie, Marie jouait le jeu, ne dissuadait un soupirant que s'il devenait trop pressant à son goût et savait manifester avec hardiesse ou subtilité une inclination chaleureuse pour accrocher ceux qui lui plaisaient. Parmi les militaires, Michel Maetz, Augustin et le sous-lieutenant Thomas étaient sur les rangs. Le premier plaisait le plus à Marie, les deux autres avaient la préférence du père Lorentz, en tant que Lorrains du pays messin d'abord, et l'un pour ses qualités de paysan, et l'autre parce qu'il était officier.

 

Après le départ de Maetz, rapatrié à Auch avec le 2hussards fin décembre 1847, Augustin était sûr d'avoir pris la première place dans le cœur de Marie le jour où, musardant auprès de lui sous prétexte de le seconder dans l'épierrage d'une parcelle labourée de la veille, elle lui avait appris qu'elle aurait dix-sept ans le 20 février prochain.

 

– Pas possible ! Tu es née à la même date que moi ! s'était-il exclamé. Dix ans plus tard, c'est vrai, mais nous avons le même anniversaire. Viens-t'en ici, il faut que je t'embrasse !

 

La prenant par la taille, il lui avait déposé un baiser sur chaque joue, à la commissure humide et tendre des lèvres. Un peu contractée, elle s'était pressée contre lui. S'il avait eu plus d'audace en cet instant, ils auraient pu échanger un véritable baiser d'amoureux, tellement le trouble qu'elle ressentait la rendait disponible pour une plus libertine étreinte. Mais il n'avait rien osé d'autre que lui caresser les cheveux. Il n'était pas dans sa mentalité de se conduire avec licence à l'égard d'une jeune fille et, fruit de l'improvisation du moment, son élan d'affection, somme toute spontané, s'était entravé d'une certaine gêne : pour l'avoir quelque peu prémédité, en y ayant songé auparavant, quelquefois ; à cause d'une petite menterie, aussi.

 

– Tu sais, lui avait-il alors avoué, en réalité je suis du 19 février au soir, juste avant onze heures.

 

– Et moi, je suis de la première heure a dit la sage-femme, mais peut-être qu'elle s'est trompée ou qu'elle a menti par superstition. On n'avait pas pu la prévenir à temps, parce que mon père naviguait, et j'étais déjà née quand elle est arrivée chez nous. Alors, tu vois, peut-être que toi et moi nous sommes venus au monde le même jour, à la même heure ! Embrasse-moi encore.

 

Un peu plus tard, le père Lorentz était venu à son tour travailler au champ. Mis au courant de cette singulière coïncidence, et comme le 20 février tombait cette année-là un dimanche, il avait décidé tout de go qu'il fallait en profiter pour simultanément fêter l'anniversaire de sa fille, celui d'Augustin – un gendre éventuel – et pendre enfin la crémaillère pour remercier ceux qui l'avaient aidé à s'installer dans le pays. On devrait se contenter d'un repas en plein air, car la maison édifiée par le génie n'était pas en mesure d'accueillir une grande tablée.

 

– Il suffira qu'il ne pleuve pas et ça ira, avait-il déclaré. Nous ferons un méchoui dans la cour. Marthe cuira, dans notre four, des galettes, en même temps que le pain. J'ai réussi un assez bon fromage avec du lait de nos chèvres... Pour arroser le tout, je sais où me procurer une bonbonne de très bon vin d'Espagne. Et, pour pousser le café, je sortirai, de ma malle, une dame-jeanne de prune de chez nous... Parce que du café, mon cher Augustin, nous n'en manquerons pas, et du meilleur : je viens de recevoir un sac de douze livres de moka par le dernier bateau, il n'y a plus qu'à le griller.

 

Activement poussé par sa fille, le père Lorentz avait entrepris de mettre son dessein à exécution.

 

Ce fameux dimanche, Augustin était arrivé à la ferme le plus tôt qu'il avait pu, afin d'aider de son mieux. Le four était chaud, la pâte à pain levait à l'abri et, tandis que Marthe pétrissait encore pour faire ses galettes, Marie triait des légumes sur la pierre de l'évier. Dans un coin de la cour, au-dessus d'un lit de braises, le mouton rôtissait sous la surveillance attentive d’Étienne Rouart, le fils aîné du premier colon venu s'établir dans le pays après la victoire de l'Isly. Il s'acquittait consciencieusement de sa besogne, en tournant la broche confectionnée par ses soins avec une branche droite de bois dur et en humectant de temps en temps la viande dorée d'un mélange pimenté d'huile d'olive et de beurre fondu.

 

Quelque peu dépité, Augustin s'était chargé de couper du bois et de torréfier le café. Il n'y pouvait rien, ce jeune homme l'irritait. Ne cumulait-il pas les graves défauts, à ses yeux, d'être bien fait de sa personne, de plaire à Marie qu'il courtisait ouvertement et de se prénommer Étienne, comme le cousin Thirion qu'il détestait pour lui avoir pris Adeline ?

 

Ce fut une journée en tous points réussie. Le soleil brillait dans un ciel sans nuages, il n'y avait pas de vent, les convives étaient au nombre d'une quarantaine en tout, et de bonne compagnie ; des civils surtout, peu de militaires. De ceux-ci, il y en aurait eu davantage si la plupart des officiers – tous invités par courtoisie – ne s'étaient excusés ; seuls parmi eux le capitaine Coffyn et le sous-lieutenant Thomas étaient de la fête.

 

Leur hôte avait proprement organisé son affaire. Dans la cour, face à l'entrée de la maison, il avait agencé en U trois tables solidement bricolées avec des planches et des tréteaux. Sur une quatrième table, placée dans l'ombre contre le mur du côté nord, à côté des miches de pain et des galettes que Marthe avait fait cuire, s'accumulaient bouteilles et pâtisseries apportés en contribution.

 

Les odeurs de cuisson, dominées par le fumet corsé du rôti de mouton, diffusaient à travers l'atmosphère des tentations appétissantes. Le père Lorentz commença par faire goûter son vin d'Espagne, c'était un moyen assuré de pousser chacun vers une agréable euphorie, pour créer une ambiance de détente et de gaieté. L'on trinqua bien à deux ou trois reprises, en causant un peu à bâtons rompus, puis chacun prit sa place à table, qui sur un banc, qui sur un tabouret.

 

Le fils Rouart s'était mis en devoir de découper à même la broche des tranches de mouton qu'il apprêtait dans des tadjines2 que sa sœur cadette et Marie maintenaient au chaud à proximité des braises. Quand il eut terminé, les jeunes filles portèrent les plats sur les tables où, aidée par deux voisines, Marthe y répartissait des gsaa3 débordantes de couscous fumant, de pommes de terre cuites dans la cendre du four, des jattes de ragoût fleurant une cuisine familiale savamment mitonnée.

 

L'on fit bonne chère en buvant peut-être un peu plus que de raison en discutant de tout et de rien, de la mi-voix au verbe haut, sur un ton plaisant.

 

Au dessert, le père Lorentz – un peu éméché – se mit debout, leva son verre pour un toast amorçant un discours par lequel il exprimait sa gratitude à ceux qui lui avaient rendu service. Puis il enchaîna sur sa joie de fêter conjointement en ce jour, les dix-sept ans de sa fille et les vingt-sept ans de son ami le sergent Augustin Houssard. Ce disant, il les fit venir à ses côtés et leur prit la main, au grand dam d'Étienne Rouart et d'autres dont les mines s'étaient un tantinet rembrunies à mesure qu'il parlait.

 

– Ils sont nés tous les deux un même jour de l'année, poursuivit-il. Ils sont jeunes, pleins de vie et les voici réunis pour leur commun anniversaire... Allez, amusez-vous, les enfants, ouvrez le bal ! Je bois à notre santé à tous et à votre bonheur en particulier !

 

On avait un moment dansé sur des airs de violon et de flûte, puis Marthe avait préparé du café et appelé sa fille pour le servir. Augustin n'avait plus voulu lâcher Marie après son premier pas de danse avec elle. Il l'avait donc suivie et la côtoyait de très près, une cafetière à la main, lorsqu'il s'entendit interpeller par le père Lorentz qui était parti chercher sa dame-jeanne d'eau-de-vie et venait de se rasseoir en face du capitaine Coffyn, pour renouer le fil d'une conversation interrompue un instant.

 

– Amène voir le café par ici, Augustin. Je voudrais avoir ton opinion sur quelque chose.

 

Augustin remplit de café les tasses disposées sur la table et s'assit.

 

– Voilà, reprit le père Lorentz, le capitaine me conseille de me lancer dans l'élevage des moutons lainiers, il dit que nous n'avons pas assez de surface de terre labourable, sur nos concessions, pour nous en sortir rien qu'avec la culture. Qu'est-ce que tu en penses, toi qui t'y connais ? Que ferais-tu à ma place ?

 

– Pour ce qui est de l'élevage du mouton, je ne m'y connais pas de trop. À la Vignotte, on fait principalement du blé. Nous avons quelques bêtes, pour l'appoint. Les vaches sont d'un rapport intéressant, elles donnent du lait, des veaux, de la bonne viande et du cuir à l'abattage. Nos moutons, c'est le berger communal qui s'en occupe. On n'en a jamais tiré grand bénéfice pour la laine, pas plus que pour la viande. Ici, ce serait tout pareil, si les gens du pays ne mangeaient pas surtout du mouton comme viande. Leurs bêtes sont moins belles que les nôtres...

 

– Tu es dans l'erreur, sergent Houssard, le coupa net le capitaine. L'Algérie ce n’est pas ta Lorraine natale. La terre manque de profondeur ici pour donner de bons rendements céréaliers et le climat est trop sec en été pour l'élevage du gros bétail. En revanche, c'est un pays à moutons. Le problème est qu'on n'y élève pour le moment que des races dégénérées qui produisent aussi peu de laine que de viande. La réussite de la colonisation passe par la réussite de notre agriculture, j'en suis absolument convaincu. Ici, les indigènes sont vagabonds et pillards, fractionnés en tribus indépendantes, si bien qu'elles possèdent une très grande capacité de résistance à notre civilisation. Pour garantir le succès de notre domination, il importe d'encadrer les tribus dans les mailles serrées d'un réseau d'établissements agricoles. Ces établissements devront pouvoir fournir la nourriture nécessaire à la population civile et à nos troupes, mais aussi des matières premières, comme la laine et le coton, pour les industries manufacturières qui naîtront dans les villes. Faites venir d'Espagne des moutons mérinos et plantez du coton d'Égypte à longues fibres, Monsieur Lorentz. C'est l'avenir économique de ce pays. Si vous m'écoutez, vous serez parmi les premiers à profiter de sa prospérité.

 

Une controverse sur les potentialités agricoles de l'Algérie s'ensuivit, regroupant autour du capitaine et du maître de maison les autres colons qui multipliaient les avis contradictoires, les récits d'expériences heureuses et malheureuses vécues en Algérie, au cours des années passées.

 

Augustin s'était laissé captiver par ce qui se disait jusqu'au moment où il avait voulu se resservir du café... la cafetière était vide. Marie lui revint aussitôt en tête. L'ayant cherchée du regard sans la trouver, il s'était enquis d'elle auprès de Marthe qui remettait du café à filtrer. Celle-ci lui avait répondu qu'aux dernières nouvelles sa fille dansait avec le sous-lieutenant, les musiciens s'étant arrêtés de jouer, elle devait baguenauder par là avec lui, elle ne pouvait pas être loin. Augustin fit le tour de la maison et, depuis la butte de derrière, il aperçut à une centaine de mètres Marie qui déambulait sur le chemin de Nemours en compagnie de Thomas, d'Étienne Rouart et d'un autre fils de colon qui lui faisait sa cour. Un tant soit peu contrarié, mais rassuré, il retourna prendre la cafetière et regagna la table où le débat ouvert sur le destin agraire et pastoral du pays n'avait rien perdu de son animation.

 

Aux alentours de quatre heures, le soleil déjà bas sur l'horizon, le fond de l'air se rafraîchit. Les premiers invités à vouloir partir prirent congé, les autres suivirent le mouvement. Augustin et le fils Rouart demeurèrent sur place bons derniers pour aider à tout ranger, chacun caressant l'espoir de passer un moment seul avec Marie. À la fin, Augustin dut céder, car il ne pouvait manquer l'appel du soir ; fort marri de laisser le champ libre à un rival, il prit congé des Lorentz avant le crépuscule.

 

 

 

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Quelques jours plus tard une révolution éclatait à Paris. Après l'abdication de Louis-Philippe et son départ en exil, le 25 février la République était proclamée.

 

Ce chambardement politique fut connu à Nemours le 2 mars, lorsque le courrier apporta le Moniteur Algérien qui relatait brièvement les événements survenus dans la capitale et donnait la composition du Gouvernement provisoire.

 

On imagine sans peine l'effervescence que ces nouvelles occasionnèrent localement. Nombreux étaient ceux qui se découvraient républicains, d'autres, à l'opposé, se proclamaient légitimistes, quelques-uns même se déclaraient bonapartistes. Tout le monde parlait de politique, et les discussions allaient bon train, dans les chambrées, dans les cantines, au bivouac... en permanence relancées par les faits. Il ne se passait pas de semaine exempte de nouveauté sensationnelle : départ du duc d'Aumale et intérim de Changarnier ; puis Cavaignac nommé gouverneur général de l'Algérie, le jour même de la proclamation de la République ; manifestations dans les villes, à Alger surtout, où la foule, massée sur la place du Gouvernement, avait même une fois menacé de renverser la statue du duc d'Orléans, mais la troupe, qui avait souscrit pour l'élévation de ce monument, s'était interposée et eut tôt fait de rétablir l'ordre ce jour-là.

 

La situation s'avérait confuse et compliquée. D'un côté l'autorité ne voulait pas user de violence et laissait plus ou moins faire, d'un autre côté elle redoutait de voir naître de graves désordres chez les musulmans, si un meneur – de la trempe de Bou Maza par exemple –, tirant parti des perturbations de l'ordre public, réussissait à entraîner ses coreligionnaires dans un nouveau djihad. Pour parer à toute éventualité de cette nature, il fut procédé, dans les villes, à des arrestations suivies d'emprisonnements de séditieux en puissance. Dans le bled, l'armée affirmait sans discontinuer sa présence active, contrôlant avec vigilance les zones les plus sensibles : le général Pélissier – qui avait succédé à Cavaignac au commandement de la province d'Oran – bivouaquait chez les Beni Ouragh ; Mac Mahon surveillait la frontière de l'ouest ; le colonel Canrobert, commandant supérieur de Batna, sillonnait l'Aurès pour capturer Ahmed-bey, le chef rebelle de Constantine, autour de qui s'opérait un regroupement de mécontents qui risquait de devenir préoccupant.

 

En avril, les chasseurs d'Orléans avaient changé de nom, ils étaient devenus les chasseurs de France et pour éviter une confusion avec les unités de cavalerie du même nom, on les appela désormais « chasseurs à pied ». Ils n'en demeuraient pas moins les soldats noirs que l'on mettait volontiers à contribution en toutes circonstances. Le 8bataillon, entre autres, multipliait les patrouilles dans la zone située entre le Maroc et la piste de Nemours à Lalla Maghnia.

 

Augustin avait eu du mal à suivre les événements. Il n'appréhendait pas les raisons d'une révolution. L'ayant impartie pour le principal à la mauvaise récolte de l'année précédente, il se disait que les blés ne pousseraient sans doute pas mieux sous un autre régime. Soumis en toute inconscience à l'influence de son vieux maître – le père Plasmann, un légitimiste endurci – et en même temps admiratif d'une épopée impériale d'images d'Épinal, c'est avec un manque flagrant de culture politique et la méfiance atavique du paysan pour les nouveautés qu'il avait d'abord considéré une République dont les bouleversements qu'elle provoquait le remplissaient de confusion.

 

D'un tempérament conformiste, il s'était quelque peu dégrossi l'esprit au fil des jours en prêtant l'oreille à des conversations auxquelles il se joignait sans rien dire ou en questionnant son chef de section, le sous-lieutenant Thomas, avec qui, différence de grade mise à part, il entretenait des relations d'amitié de plus en plus profondes. Toutefois, c'est le capitaine Coffyn qui l'avait le plus instruit des bienfaits que la République apporterait au peuple.

 

Puis il y avait eu ces terribles journées de juin à Paris, au cours desquelles l'armée, commandée par Cavaignac, avait écrasé une insurrection des ouvriers privés de travail. Les réponses du capitaine étaient alors devenues moins claires, moins convaincantes. Il ne voyait dans cette révolte populaire qu'une agitation forcenée initiée par des fauteurs de troubles.

 

– Ce sont, disait-il, quelques nostalgiques du jacobinisme et de la sans-culotterie de 1793 qui ont soulevé une populace ignare, dans le but d'engendrer du désordre, au nom d'une idéologie fumeuse. Ces imbéciles ne comprennent pas qu'en agissant de la sorte, ils ne font qu'affaiblir la République et préparent le lit de la tyrannie. Heureusement, Cavaignac a réglé cette affaire ! À présent qu'il est le chef de l'exécutif, tout ira bien. Il n'est pas de républicain plus sincère et il a toute la poigne qu'il faut pour assurer le maintien de l'ordre. Cavaignac au pouvoir, c'est le plus sûr garant de la démocratie.

 

À la mi-juillet, des promotions causèrent quelques mouvements parmi les officiers. Ce fut le cas du commandant Douay. Nommé lieutenant-colonel, attaché à l'état-major d'Oran, celui-ci quitta Nemours dans la semaine.

 

Le 5 août débarqua le commandant Bradefer qui prit en main le 8chasseurs avec une autorité en rapport avec le nom qu'il portait. On sut qu'il avait commandé une compagnie du 2de ligne, basé à Constantine, jusqu'au mois de mai. Ayant obtenu sa quatrième ficelle, il avait intégré les chasseurs à pied et reçu le commandement du 8bataillon après un court séjour au dépôt de Toulouse.

 

De taille moyenne, plutôt trapu, jeune pour un officier de son rang, il donnait l'impression de posséder une force peu commune. Impression confirmée aux yeux de tous dès les premiers jours, par des comportements où il fit montre d'une énergie et d'une endurance à toute épreuve.

 

Le surlendemain de son arrivée, il faisait une sortie avec deux compagnies qu'il mena durement à travers le bled, du lever au coucher du soleil. Ménageant seulement une halte pour la soupe de midi, il surprit ses hommes parce que lui-même alla constamment à pied en tête de la colonne, un soldat qu'il avait désigné pour lui servir d'ordonnance marchait sur ses pas en tenant son cheval par la bride. Il agit de même les trois jours suivants, entraînant chaque fois deux compagnies derrière lui sur des circuits accidentés, parcourus en une douzaine d'heures, à une cadence soutenu.

 

Début septembre, il emmena tout le bataillon pour un périple d'une semaine le long de la frontière avec retour par le Kerkour et Sidi Brahim après avoir emprunté un itinéraire littoral au départ. Cette fois, il était monté à cheval et ne força point l'allure, mais en cours de route il multiplia les exercices : escalades au pas de charge de raides versants du djebel, randonnées de nuit, combats simulés, tirs... De retour au casernement, satisfait de la tenue de ses hommes, qu'il avait épuisés, il leur octroya un jour de repos en sus du dimanche, avant de réitérer ses sorties sur un mode semblable.

 

À ce régime, le 8chasseurs devint en deux mois la plus performante unité de marche de toute l'armée d'Afrique et le bruit se mit à courir que, sous peu, le bataillon serait affecté à la division de Constantine. Cette rumeur n'avait rien d'improbable. Elle reposait sur un constat sans appel : depuis la disparition d'Abd el-Kader et de Bou Maza, la province d'Oran connaissait un retour au calme, tandis que les Kabylies et les Aurès restaient plus que jamais rebelles. La province de Constantine étant moins bien lotie en effectifs militaires que celles d'Alger et d'Oran, un rééquilibrage devenait dès lors indispensable pour achever la pacification du pays.

 

Fin septembre, arrivait à Alger un nouveau gouverneur, le général Charon. Dans la semaine qui suivit, le capitaine du génie Coffyn recevait un ordre de mutation à Mostaganem.

 

La veille de s'embarquer, il manifesta un si vif contentement de partir face à Augustin venu lui faire ses adieux, que celui-ci en fut visiblement interloqué.

 

– Ma joie ne doit pas t'étonner, j'étais ici depuis trop longtemps, jugea bon de lui confier l'officier. Je n'avais plus rien à y accomplir. De la sauvage Djemmaa Ghazaouet j'ai fait la place forte de Nemours, sans que cela me valût un avancement dont tant d'autres ont été gratifiés – la faute à Montagnac, je suppose. Quoi qu'il en soit, pour le présent il n'y a plus d'ouvrage pour moi ici... Sauf à envisager la construction d'aménagements portuaires importants, une option qui a été écartée de longue date et demeure improbable à juste titre étant donné le site et la situation. Où je vais, je sais de source fiable que j'aurai à remplir une mission à ma mesure.

 

Cette mission, c'était la création ex nihilo, entre Oran et Mostaganem, des villages de colonisation où l'administration allait établir des Parisiens, déportés suite à l'insurrection de juin. Une entreprise correspondant au plan élaboré par Coffyn dans un rapport que l'autorité supérieure avait estimé assez pertinent pour le publier en partie dans le Moniteur Algérien. Du moment qu'en haut lieu on avait décidé la mise en chantier d'un tel projet, c'était justice que son concepteur fût chargé d'en diriger la réalisation.

 

– Après, je n'aurai plus qu'à fonder une véritable ville, avait-il ajouté d'un air rêveur. Je la ferai semblable à une cité antique, comme Timgad, la Thamugadi que les légionnaires romains ont bâtie au cœur du pays barbare pour le civiliser. Si tu voyais, Augustin, les ruines de cette cité ! Elles constituent dans leur ensemble un modèle parfait d'harmonie et de rigueur, l'image même de la civilisation érigée avec des pierres. S'il n'est pas possible d'espérer dépasser les anciens dans ce domaine, puisse le destin me donner un jour l'occasion de faire aussi bien.

 

 

 

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Si les questions politiques posées par les événements survenus en France depuis février avaient passionné le père Lorentz comme tout un chacun, il en était d'une autre nature qui, dans le même temps, lui avaient fourni matière à réflexion et désir de s'informer : elles se rapportaient à l'élevage du mouton. Jamais il n'avait songé devenir éleveur, jusqu'à ce jour anniversaire de sa fille où il avait eu avec l'officier du génie une conversation captivante, au cours de laquelle son interlocuteur lui avait fait miroiter la perspective de s'enrichir en produisant de la laine.

 

Séduit par l'idée, mais en homme réfléchi qu'il était, le père Lorentz avait pris soin de se renseigner en puisant à différentes sources. Il voulait se forger une solide opinion avant de tenter l'aventure et avait demandé leur avis à des militaires autrefois bergers, aux colons, à des indigènes... Il s'était procuré un livre spécialisé sur l'élevage ovin et les débouchés commerciaux de la laine ; l'avait lu avec le plus grand intérêt, en avait relu certains passages à maintes reprises. Ses recherches multiples l'ayant instruit, il avait abordé le sujet avec Coffyn plusieurs fois, dans le seul but de conforter une décision inconsciemment déjà prise, par la répétition des mêmes arguments qui, l'optimisme aidant, travaillaient son esprit dans le bon sens et lui laissaient entrevoir ses chances de succès sous un éclairage plus favorable après chaque échange d'idées.

 

La prudence l'avait toutefois retenu. Il évaluait avec sagesse les risques qu'il encourrait en investissant une forte somme dans l'achat d'un troupeau, alors même que le capital dont il avait disposé suite à la vente de ses biens patrimoniaux se trouvait passablement écorné par les dépenses d'installation en Algérie et dix-huit mois d'existence familiale en agriculteur-défricheur, durant lesquels sa concession lui avait davantage coûté que rapporté. Là-dessus, son indécision s'était accentuée à cause de vols de bétail : des agneaux du troupeau de l'armée en premier lieu, puis un bœuf de labour appartenant à un colon. La période où eurent lieu ces rapines concordant avec la fin du ramadan, on en avait conclu que les animaux enlevés avaient fait les frais de l'Aïd es-Seghir4.

 

Il va sans dire qu’une enquête fut ordonnée. Mais le lieutenant-colonel Dumontet était loin d'agir avec les autochtones à l'instar de son prédécesseur, feu le lieutenant-colonel de Montagnac. Il se comportait envers eux avec autant de douceur que de diplomatie et s'était persuadé que l'on ne retrouverait ni les agneaux ni le bœuf parce qu'ils avaient été mangés à l'occasion de la fête. Ce qui revenait à dire, selon lui, que les vols cesseraient d'eux-mêmes. Avec de tels a priori, rien d'étonnant si les investigations qu'il supervisait n'aboutirent à aucun résultat. Du reste, la suite sembla lui donner raison puisqu'il n'y eut pas d'autres plaintes relatives à des disparitions d'animaux de ferme.

 

Le départ du capitaine Coffyn produisit l'effet d'un signal sur le père Lorentz. Rasséréné par l'interruption des vols de bétail, craignant d'hésiter encore et de finir par renoncer à une entreprise susceptible de lui apporter la fortune ou pour le moins une aisance honorable, en peu de jours sa décision fut arrêtée. Après avoir confié la sécurité de sa famille à ses amis, il s'embarqua pour l'Espagne où il se proposait d'acquérir un troupeau de moutons mérinos.

 

Le voyage de Nicolas Lorentz se prolongea plus de deux semaines. Si cela parut long à son épouse qui avait oublié l'époque où il partait en mer plusieurs mois durant, ce ne fut pas le cas pour Étienne Rouart qui passait toutes ses journées presque entières auprès de Marie. En l’occurrence, il tirait avantage aussi du fait que le sous-lieutenant Thomas et le sergent Houssard ne purent qu'en de rares et brèves occasions visiter la jeune fille, trop pris qu'ils étaient pour motif de service, étant donné l'emploi du temps chargé imposé au bataillon par le commandant Bradefer.

 

Le second samedi d'octobre, le retour du père Lorentz ne passa pas inaperçu, on peut même dire qu'il causa quelque sensation à Nemours lorsqu'il débarqua sur la plage avec ses moutons et un jeune berger espagnol accompagné de son chien. Une barque avait fait la navette et, à raison de cinq ou six bêtes à la fois, la mise à terre de quarante-huit brebis et deux béliers avait pris un certain temps, pendant lequel bon nombre de badauds, que la moindre contingence attirait, s'étaient extasiés sur leur robustesse et l'épaisseur de leur toison.

 

En manœuvre hors de Nemours avec les carabiniers et deux autres compagnies des chasseurs à pied, Augustin n'avait pas assisté au spectacle de ce débarquement, ni au défilé, à travers la place d'armes et dans la grand-rue, du troupeau, fièrement guidé par son propriétaire qui le conduisit en personne jusqu'à l'enclos attenant à sa maison, préparé un mois plus tôt tout exprès pour l'accueillir.

 

Rentrées tard le soir, les trois compagnies du 8chasseurs qui avaient marché dans le bled tout le jour bénéficièrent d'un repos complet le dimanche. Augustin s'empressa d'user de cette liberté pour se rendre dès le matin chez le père Lorentz dont on lui avait appris le retour. Il était curieux de voir ces mérinos ramenés d'Espagne et comptait surtout profiter de l'occasion pour se trouver un instant seul à seule avec Marie. Sur le point qui lui tenait le plus à cœur, il fut déçu, car Thomas l'avait précédé à la ferme et le jeune Rouart ne tarda guère après lui pour venir faire sa cour quasi quotidienne. Il passa donc la majeure partie de sa visite en compagnie du père Lorentz, à le complimenter pour son acquisition, tout en écoutant d'une oreille attentive et résignée la chronique de son voyage.

 

– Ce n'était pas assuré de trouver de si belles bêtes.J'ai eu de la chance et mon affaire a été rondement menée, déclara ce dernier pour clore son récit. Certes, j'ai dû les payer le prix, même après avoir marchandé dur ; moyennant quoi, je suis tranquille, parce qu'en supplément j'ai pu avoir le berger et le chien. Manuel qu'il s'appelle, il n'a pas seize ans, mais il connaît son métier, il garde les moutons depuis tout petit. Les gens sont pauvres en Espagne, mon berger, je l'ai eu pour une misère, quelques sous à peine, en plus du gîte et de la nourriture pour lui et son chien.

 

– Vous en avez acheté beaucoup, s'étonna cependant Augustin. Vous m'aviez dit que vous vouliez débuter avec une vingtaine de têtes...

 

– C'est vrai, mais tu ne peux pas t'imaginer quels troupeaux ils ont là-bas ! J'ai succombé à la tentation en les voyant et je ne le regrette pas. J'ai pris mes précautions, tu sais. En pensant que dans les premiers temps je risque de ne pas trouver ici acheteur pour ma laine, je me suis arrangé avec un négociant de Cadix – un intermédiaire de manufacturiers anglais – qui me l'achètera. Au printemps je pourrai donc vendre le produit de ma première tonte. En comptant cinq à six livres de laine par tête, cela me fera une rentrée d'argent non négligeable. Et puis, dans un an mes brebis auront toutes donné un ou deux agneaux, ce qui doublera mon avoir.

 

Le père Lorentz était content de lui et il y avait de quoi. Hélas ! Tout n'alla plus bien au-delà d'une semaine.

 

Le samedi suivant, la famille Lorentz au complet, le berger menant un bélier et une brebis, vinrent aux vêpres en l'église de Nemours. Sur le parvis, le curé leur accorda une bénédiction particulière avant l'office.

 

À leur retour, la nuit tombée, Manuel trouva son chien mort. La brave bête que l'on avait laissée pour garder le troupeau et la maison, gisait égorgée, encore chaude, à l'entrée de l'enclos, où l'on compta qu'il manquait un bélier et huit brebis.

 

Au matin, une patrouille de la milice put suivre les traces des voleurs et de leur butin sur un quart de lieue environ puis perdit la piste.

 

– Un coup des Arabes, fulminait Nicolas Lorentz. Le ramadan a beau être fini depuis longtemps, ces canailles n'en continuent pas moins leurs pilleries et leurs crimes ! Ils ont été surpris par notre retour de la messe, sinon, ils m'enlevaient tout le troupeau.

 

 

 

Les jours d'après, d'autres actes de brigandage furent commis au détriment des colons de Nemours. La milice était en permanence sur les dents et les compagnies du 8chasseurs mises à contribution pour patrouiller de nuit afin de renforcer la protection des fermes.

 

Inquiets pour leur sécurité, alors qu'ils se faisaient depuis longtemps du souci pour leur avenir, les colons profitèrent de ces incidents pour adresser une lettre collective au commandant supérieur de la place, le sollicitant d'intervenir en leur faveur auprès de la commission consultative qui devait donner son avis pour l'attribution définitive de leurs concessions, toujours détenues à titre provisoire.

 

Puis, les vols cessèrent aussi soudainement qu'ils avaient commencé. L'enquête menée cette fois par le capitaine Bidon conclut, d'après les témoignages recueillis dans le douar des Ouled Ziri, à la culpabilité de djiouch qui seraient passés dans la région.

 

 

 

*

 

* *

 

 

 

Depuis cinq jours, les chasseurs à pied nomadisaient chez les Souhalia et les Msirda. Le commandant Bradefer paraissait attiré par les sites des combats devenus célèbres sous le nom de « bataille de Sidi Brahim ». Il y emmenait des éléments de son unité plus souvent que sur la frontière et c'était chaque fois l'occasion de multiplier les exercices tactiques, rendus plus concrets pour ses hommes par leur connaissance des faits douloureux survenus en ces lieux.

 

En ce vendredi, après avoir manœuvré toute la matinée sur les flancs du Kerkour, le bataillon campait à Kern Anselm, sur l'emplacement même où le lieutenant-colonel de Montagnac avait dressé son dernier bivouac.

 

Assis sur une grosse pierre plate, non loin du feu de camp de la section, Augustin sirotait, au soleil, le café qu'il venait de se servir. Il songeait à Marie. Dans un peu plus de trois mois elle aurait dix-huit ans et lui-même vingt-huit. Leur anniversaire commun, cette année, serait-il célébré par une fête à laquelle il pourrait participer ? Il en doutait. Les multiples patrouilles et exercices divers que le nouveau commandant imposait au bataillon, ne lui laissaient plus beaucoup de loisirs pour aider les colons dans leurs travaux, ou pour des visites galantes à une demoiselle. Il ne trouvait même plus le temps d'écrire autant qu'il l'aurait voulu à sa famille et la tenue de son journal personnel avait pris un caractère intermittent.

 

Augustin admirait l'extraordinaire énergie de son chef de corps, mais elle le contrariait dans ses affections, puisque les longues absences qui le tenaient éloigné de la ferme des Lorentz ne pouvaient que favoriser les affaires de ce chiaunid5d'Étienne Rouart. Cette pensée qui lui venait souvent à l'esprit depuis plusieurs jours, le tourmentait, le rendait irritable et renforçait en sourdine son choix de quitter l'armée au terme de son temps de service légal. À quoi bon ces efforts pour acquérir ou conserver un entraînement de soldat d'élite ! La rébellion n'était-elle pas anéantie ? Et si c'était pour se préparer en vue d'opérations dans le Constantinois – le bruit en courait –, cela revenait à dire que le bataillon allait être déplacé bientôt. Voilà qui serait encore plus dérangeant pour Augustin, car s'éloigner de Nemours, signifiait perdre à coup sûr toute espérance d'avoir Marie.

 

Il eut un raclement de gorge, cracha entre ses pieds et se leva pour aller reprendre du café. Sans vergogne, il se versa une abondante ration de la boisson chaude dont l'arôme flattait son odorat et excitait toujours autant sa gourmandise.

 

– Ne lâche pas la cafetière, sers-moi aussi.

 

Augustin emplit le quart du sous-lieutenant Thomas comme il avait rempli le sien.

 

– Merci, je n'avais pas encore eu ma part, j'ai craint qu'il n'y en ait plus.

 

– Vous n'avez pas bu le café avec le commandant ?

 

– Si, mais celui de la section est meilleur.

 

Thomas but du bout des lèvres un peu du liquide brûlant tout en faisant signe à son autre sergent de les rejoindre.

 

– Servet ! Oh, Servet ! Viens par ici, le héla-t-il.

 

Il fit quelques pas, suivi par ses deux adjoints et s'assit sur le siège naturel qu'Augustin occupait un instant auparavant. Après avoir bu encore quelques gorgées de café, il posa son quart devant lui, tira de sa poche le petit sac de peau d'où il sortit sa pipe déjà toute bourrée, tassa encore le tabac dans le foyer avec son pouce avant de l'allumer, en penchant un peu la tête de côté : une manière de rituel pour lui lorsqu'il se disposait à mettre ses subalternes au fait d'une mission.

 

– Il y a du nouveau, annonça-t-il en soufflant sa seconde bouffée de fumée. Le commandant dit que les pillards vont revenir cette nuit pour voler du bétail chez les colons de Nemours et l'emmener chez les Traras où il sera difficile de les récupérer. Son plan est de leur tendre une embuscade. La compagnie des carabiniers partira d'ici, à la nuit et gagnera la rive de la Mersa en prenant au plus court, pour boucler le douar des Ouled Ziri, contrôler le gué et couper toute possibilité de fuite dans cette direction. La 1ère et la 2e resteront au bivouac pour donner le change et les trois autres – Bradefer en personne à leur tête – passeront aussi discrètement que nous par le sud du plateau de Tient, traverseront la rivière assez loin en amont pour se déployer au sud de Sidi Amar. Quand les voleurs de bétail viendront, ils s'enfonceront en confiance dans une nasse dont ils ne pourront pas s'échapper.

 

– C'est réel ou c'est un exercice ? demanda le sergent Servet.

 

– Peut-être que c'est un exercice, peut-être pas, lui répondit Thomas. Il faudra faire comme si ce n'en était pas un, vous connaissez le commandant aussi bien que moi. Dites à vos hommes de se reposer cet après-midi, de faire une bonne sieste et de se tenir prêts pour une patrouille de nuit. C'est notre section qui tracera la route.

 

 

 

En fait, c'est Augustin et ses escouades qui guidèrent la compagnie de bout en bout. Ce n'était pas facile. Les subtiles illuminations stellaires, une lune presque pleine, mais souvent masquée par des nimbus errants, ne fournissaient pas un éclairage suffisant pour suivre commodément le chemin où il devait porter ses pas. Il se fiait donc à la polaire. Entre ses éclipses nuageuses, elle lui indiquait, à peu de chose près, la direction de Nemours. Néanmoins, dans la première moitié du trajet il s'orienta, un temps, trop plein nord. Thomas s'en rendit compte et vint à côté de lui pour corriger cette déviation qui risquait de leur coûter une demi-heure de marche en plus.

 

– Oblique par là, chuchota-t-il. Nous devons passer entre les deux collines devant nous, au plus près de celle de droite.

 

– Bien, mon lieutenant, lui répondit Augustin sur le même ton. Je dois dire qu'il m'arrive d'avoir un peu de mal à m'y retrouver. Par moments, on n'y voit goutte cette nuit.

 

– Tant mieux. Pour notre mission c'est parfait comme ça. Si nos gars se débrouillent pour ne pas faire de bruit, nous ne serons pas repérés par les gens des douars. Ou alors, gare ! Ces faux-jetons nous trahiraient volontiers auprès des voleurs... Allons par ici, un peu plus loin on rattrape l'oued qui part de la source el-Msirda.

 

Une fois atteint le vallon du Rarek, Augustin se sentit plus à l'aise dans son rôle de guide. Il reconnaissait sans difficulté la piste qu'il avait empruntée plusieurs fois en patrouille, depuis ce jour où il avait entraîné en catastrophe le sergent de Livoudray et son groupe d'éclopés jusqu'à une position permettant de couvrir le repli du capitaine Coffyn par le plateau de Tient.

 

Partie de Kern Anselm au crépuscule, la compagnie des carabiniers parvint au douar des Ouled Ziri après minuit. Même en terrain connu et peu accidenté, il n'était point aisé de parcourir plus d'une lieue dans l'heure, au cours d'une marche nocturne.

 

Prenant pour centre de son dispositif le village, dont il fit garder les issues pour en empêcher toute sortie, le capitaine de Berthemez confia le contrôle de l'aval au lieutenant de Larrazet et celui de l'amont au sous-lieutenant Thomas. Les deux officiers embusquèrent leurs hommes à une vingtaine de mètres du bord de l'oued Mersa, d'où ils pouvaient observer sans éveiller l'attention, d'éventuels mouvements qui se produiraient sur l'autre rive. Les consignes étaient de ne pas bouger, de respecter le silence le plus absolu et, en cas d'incident, de ne pas tirer sans ordre.

 

L'attente commença, trop longue dans le froid et l'obscurité de la nuit, à si faible distance du casernement, où les lits demeuraient inutilement vides, dans les baraques, au chaud.

 

Assis un peu en contrebas de la position occupée par Thomas, à mi-pente du talus buissonneux qui surplombait le confluent de la Mersa et du Krendak, sa grosse carabine à portée de main, calée en appui dans la fourche d'un arbuste, Augustin promenait son regard alentour, sans rien distinguer sinon des ombres, par-ci par-là plus ou moins ténébreuses que d'autres ombres.

 

Il se mit à songer à Marie. Elle dormait à une demi-lieue de là, pas plus. Elle était tout près.

 

Cela faisait treize jours qu'il ne l'avait approchée. L'agrément de son contact lui manquait... La réminiscence de l'instant où il l'avait embrassée surgit soudain de sa mémoire. Son esprit s'en empara aussitôt pour détailler avec volupté des sensations globalement enregistrées naguère et qui se bousculaient en lui, chargées de multiples touches de sensualité. L'impression était si forte qu'il sentit sur sa joue comme un doux frôlement, tout à fait semblable à la tendre caresse de l'épiderme tiède et soyeux de Marie se blottissant entre ses bras après un baiser, en même temps que sa charnelle fragrance de blonde semblait sourdre dans ses narines et instiller son cerveau. Il se voyait debout, elle et lui accolés. Ses mains enserraient sa taille, et la chaleur rêvée de ce corps féminin faisait naître dans son bas-ventre des crispations érogènes. Le visage de la jeune fille lui apparut tel qu'il ne l'avait jamais vu : terriblement lubrique avec son teint de pêche embrasé par la fièvre du désir ; la mandorle pulpeuse de ses lèvres frémissantes et offertes exhalant un souffle court ; ses yeux bleus prometteurs de plaisirs défendus sous le couvert ensorcelant de ses paupières lourdes...

 

La pensée hypnotisée d'Augustin se mit alors à vaguer de souvenirs en souvenirs, sans contrôle. Insensiblement les prunelles d'azur devinrent celles d'Adeline. Chose étrange, son image avait effacé celle de Marie, mais elle reflétait les mêmes stigmates de la concupiscence tandis que, sous ses doigts, le rustique tissu de sa cotte de paysanne dégrafée s'écartait sur l'érotique satin d'un flanc de juvénile courtisane. Avec avidité, sa divagation intérieure descendit à la recherche de ces formes exquises qu'il avait eu la chance d'étreindre un soir, et là, au lieu du ventre luxurieux de Pilar fusèrent les chairs saignantes et meurtries de la petite oasienne sacrifiée sur la piste de Moghrar Foukani.

 

Un violent sursaut d'horreur ramena Augustin à la réalité. Le sous-lieutenant Thomas était accroupi devant lui et le dévisageait d'un air intrigué.

 

– Je me demandais si tu dormais, lui dit-il. Tu n'as pas réagi quand je suis arrivé près de toi. Depuis, je te reluque bien en face, tu as les yeux grand ouverts et on dirait que tu ne me vois pas. C'est vrai qu'il fait nuit noire, avec ces nuages qui nous cachent la lune, mais on distingue tout de même un peu les choses, en particulier si ça bouge.

 

Augustin était en sueur.

 

– Vous avez raison, lui répondit-il après une brève hésitation, j'ai dû m'assoupir. Je pensais à Marie.

 

– Moi aussi j'y ai pensé. Elle n'est pas loin d'ici, on pourrait la visiter, ni vu ni connu. Dommage que ce ne soit pas possible... Tout comme de fumer une bonne pipe.

 

Thomas s'assit auprès d'Augustin, sortit sa montre et s'escrima de son mieux pour discerner la position des aiguilles.

 

– Il est quatre heures, soupira-t-il. Encore plus de trois heures à attendre avant le lever du jour.

 

Ils devisèrent à voix basse pour tuer le temps sans succomber au sommeil. Augustin éprouvait réellement du mal à se tenir éveillé, d'autant plus que ce qu'ils se disaient n'était que banalités coupées de longs silences.

 

Tout à coup Thomas posa sa main sur le bras d'Augustin pour l'alerter et tendit l'oreille.

 

– On dirait que ça s'agite de l'autre côté de l'oued souffla-t-il. Envoie un de tes gars voir ce que c'est.

 

– J'y vais moi-même, dit Augustin, j'ai besoin de me remuer un peu.

 

Sa grosse carabine en main, multipliant les précautions pour ne pas faire de bruit et passer inaperçu, il se rapprocha du bord de la Mersa.

 

Effectivement, il perçut un peu d'agitation de l'autre côté de l'oued. S'agissait-il d'un homme ou d'un animal ?

 

Il s'accroupit pour écouter et observer.

 

Le ciel s'était découvert, l'éclairage sélénien se diffusait à plein sur un paysage familier, immobile et silencieux.

 

Augustin demeura aux aguets encore un moment, en vain : plus aucun bruit, plus aucun mouvement.

 

Fausse alerte.

 

 

 

Il se redresse et s'apprête à revenir sur ses pas lorsqu'une rumeur, d'abord insignifiante, se précise aux abords du gué.

 

Interloqué, il se fige, se retourne. Un bêlement retentit et affole sa pensée :

 

 

 

Bon Dieu ! ce sont des Arabes. Ils sont nombreux et ils traversent avec des moutons. Les mérinos, je suis sûr que ce sont les mérinos ! Ils viennent de voler le troupeau du père Lorentz ! Que s'est-il passé ? Qu'ont-ils fait à Marie ?

 

 

 

En un éclair, la vision qu'il a eue un instant plus tôt lui revient à l'esprit, il redoute une affreuse prémonition. Sans trop réfléchir au danger, il s'élance et court vers les djiouch, afin de leur couper la route. Le fracas d'une fusillade éclate. Deux chocs violents simultanés le projettent de travers, provoquent sa chute. Un peu sonné, il ne comprend pas pourquoi sa jambe gauche s'est dérobée sous lui. Il tente de se mettre à genoux, mais n'y parvient pas. Une vive souffrance lui déchire le côté, une autre lui brûle la cuisse. Il a été touché ! Bouillant de fureur, il épaule sa grosse carabine, relève le chien, vise avec soin une silhouette en mouvement, fait feu et puis s'effondre sur son arme, anéanti dans un sanglot étouffé.

 

Par un effort rageur qui lui arrache un cri, il roule sur le dos, tâte successivement les deux endroits douloureux. Ses doigts glissent sur le liquide chaud et poisseux qui imbibe le drap de son uniforme. Il s'évertue à comprimer chaque blessure avec ses mains, à retenir la vie qui va s'échapper de son corps si l'hémorragie ne s'arrête.

 

Autour de lui, ça tiraille toujours. Un combat sérieux est engagé, on ne pourra peut-être pas le secourir à temps. De ses yeux embués, il fixe le firmament rempli d'étoiles scintillantes. Que c'est beau ! Combien dérisoires paraissent les joies, les peines, les malheurs d'ici-bas au regard de cet infini serein et sublime ! Il repère la grande ourse, elle est devenue moins brillante. L'une de ces lucioles cosmiques s'éteindra-t-elle pour de bon au moment de sa mort ? Il s'étonne d'avoir cette pensée. Peut-être les djiouch se sont-ils contentés de voler ! Peut-être que Marie est saine et sauve ! Il veut vivre ! Ce ne sont pas deux balles de rien du tout qui viendront à bout de sa solide carcasse.

 

La cuisse surtout lui fait mal, il sent qu'elle saigne beaucoup. Et si une artère était sectionnée ? Et si pour lui c'était le terme du voyage ?

 

Un calme lénifiant l'envahit, une torpeur pas désagréable le gagne. Il croit savoir ce que cela signifie. Finalement, ce n'est pas si terrible de mourir, ce n'est pas difficile, il n'y a qu'à se laisser aller.

 

Les coups de feu se sont tus. Augustin a sommeil, il va maintenant pouvoir dormir sans être dérangé.

 

Des pas lourds pilonnent le sol, des cris résonnent dans sa tête et l'importunent. Des mains énergiques l'agrippent aux épaules et le redressent. Il reconnaît la voix de Thomas, d'abord très forte, elle s'estompe, devient presque inaudible.

 

– Vite ! Un garrot à sa jambe ! Tiens le coup mon vieux, ce n'est rien, on va t'emmener à Nemours, le docteur Artigues va soigner tes blessures...

 

Augustin ne trouve pas la force de répondre, à peine parvient-il à entrouvrir ses paupières : des silhouettes noires penchées sur lui se découpent sur un fond constellé qui chavire, devient obscur, s'enfonce dans un absolu et nauséeux silence.

 

1 - Causer du pays et manger à croupetons des pommes de terre cuites sous la cendre devant l'âtre.

 

2 - Plat en terre cuite, ragoût servi dans un tel plat.

 

3 - Grand plat en terre cuite ou en bois.

 

4 - Fête qui clôt le jeûne du ramadan (le 30 août, en 1848).

 

5 - Malvenu, dernier-né.